La question des premières places est certainement d’actualité avec la rentrée qui approche. La performance et la reconnaissance sont au cœur du dispositif !
L’évangile ne dit pas que tout se vaut, que peu importent nos qualités, nos mérites, nos efforts, on aura tous la même place. Dans cette parabole, il y a en effet des premières places et des dernières. Mais il ne faut pas décider soi-même de sa place. Ni dans un sens ni dans l’autre. On sait bien que dans la société humaine, il y a tout un système de « reconnaissance sociale » qui passe par les classements, les premiers, les vainqueurs, les « places ». La « bonne place » dans la bonne école, le bon collège, le bon lycée, la bonne fac ou grande école, qui donnera un bon poste. Et puis les conventions sociales et les honneurs qui vont avec. Ceux qui siègent à la droite de la maîtresse de maison, qu’on se lève pour saluer, qui ont une place réservée à la tribune d’honneur. Et puis il y a les autres, qui prennent les places qui restent. Bien entendu, on peut critiquer cela pour bien des raisons. La première et la plus évidente raison, c’est que beaucoup de ceux qui occupent les « bonnes places » ne le doivent pas à leur vertu et à leur mérite personnel, mais à la chance, à l’occasion… Et même parfois à leurs défauts. C’est sûr qu’on va plus vite et plus loin quand on ne s’occupe de personne en chemin. Et qu’on monte un peu plus haut quand on marche sur les autres. Une autre raison, c’est qu’une « bonne place » est toujours relative. On connait l’histoire de La Fontaine sur « le savetier et le financier ». La bonne place n’est-elle pas celle où on se sent à l’aise, heureux, utile, et non celle ou on est continuellement stressé par peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, ou par crainte des rivaux qui veulent prendre notre place ? Assurément, certaines « bonnes places » sont des pièges et des illusions, et de toute manière, les positions prestigieuses ne signifient pas toujours que la personne en est digne.
Nous savons cela. Mais il est également vrai que certains méritent vraiment des éloges et une reconnaissance, qu’ils n’ont pas toujours… Peut-être parce que nous ne savons pas voir et reconnaître leurs mérites, peut-être parce qu’ils ne cherchent pas de reconnaissance. Il leur suffit de sentir que ce qu’ils font est vrai, bon juste, et c’est leur récompense, comme la récompense du jardinier, c’est justement son jardin, et non les félicitations.
Que nous apporte l’évangile d’aujourd’hui ? Il nous invite à ne pas nous fier aux apparences… Il n’est pas question de bousculer les conventions sociales et de commencer à tutoyer le pape ou le président de la République parce qu’on est tous égaux, ni de soupçonner ceux qui reçoivent des honneurs d’être tous des intrigants et des arrivistes. Mais plutôt de se mettre « dans la main de Dieu ». Ne pas se « prendre au jeu » en confondant les personnes et les apparences ou les rôles sociaux. Fondamentalement nous sommes tous des frères et sœurs à la fois « pauvres pécheurs » et « fils et filles de Dieu ». Faisons confiance à notre Père du Ciel pour nous donner près de lui notre juste place. Non seulement ne jugeons pas de la place des autres, mais ne jugeons pas non plus de notre propre place dans son cœur. Il y a des gens qui estiment leur vie « ratée », « insignifiante ». Mais ce n’est pas à nous d’en décider. L’humilité chrétienne ne consiste pas à dire qu’on est nul, mais à faire son travail, à sa place, sans juger les autres quant à leurs mérites, et à laisser Dieu juger des places de chacun. Nous sommes seulement certains d’une chose : dans le Royaume de Dieu la rivalité et la jalousie n’existent pas, si bien que les saints se réjouissent de voir que celui-ci, celle-là, qu’on avait à peine remarqué dans sa vie sur terre, est tout près du Seigneur. Car au paradis l’honneur rendu aux autres fait notre joie.
Père Jacques Wersinger